Qui aurait pensé que l’homme d’étude, dans sa tour du Périgord, était en fait un voyageur insatiable et curieux ?
Montaigne, Michel de (1533-1592) est né au château de Montaigne en Périgord, le 28 février 1533, d’une riche famille de négociants bordelais. Son père Pierre Eyquem, premier jurat et prévôt de Bordeaux dont il sera maire, et adepte enthousiaste des idées de la Renaissance, fait apprendre à son fils le latin dès son plus jeune âge et l’envoie au Collège de Guyenne à Bordeaux. Il étudie ensuite la philosophie dans cette ville et le droit à Toulouse. De 1554 à 1570, il fait une carrière de magistrat. Il se marie en 1565 et résigne en 1570 sa charge au Parlement de Bordeaux où il avait fait la connaissance de La Boétie. Il se retire sur ses terres et se livre à l’étude et à la méditation. Dès 1572, il commence à rédiger les Essais dont une première édition en deux livres paraît en 1580. Mais, en tant que gentilhomme de la chambre d’Henri de Navarre, il mène à l’écart des négociations et missions. En proie à la maladie de la pierre, il décide en 1580 de prendre les eaux en Allemagne et en Italie dont il rapportera un Journal de voyage publié au XVIIIe siècle seulement. Ces notes de séjour, écrites d’abord par son secrétaire seront ensuite rédigées en italien et en français par Montaigne lui-même. On y voit un homme sensible au confort des auberges et à la qualité de la table dont il note consciencieusement les différents aspects, régulièrement valorisés en Allemagne, pays propre et confortable, et critiqués en Italie où tout lui paraît négligé et moins accueillant. Si le régime de M. de Montaigne est régulièrement contrarié par la prise des eaux thermales et les coliques qui s’en suivent, il n’en reste pas moins que le secrétaire consigne les plats servis, souligne les différences entrevues par rapport aux coutumes périgourdines et note les préférences de M. de Montaigne. Si la viande ou les gibiers, l’essentiel de la nourriture à l’époque, font l’objet de quelques remarques c’est plutôt le poisson qui attire l’attention de notre écrivain : il trouve les Allemands « excellents cuisiniers, notamment de poisson », mais les Romains, selon lui, ne savent pas l’apprécier. Fait remarquable qui étonne les voyageurs, la quantité d’écrevisses d’une grandeur étrange dégustées depuis Plombières à tous les repas, les escargots beaucoup plus grands et gras qu’en France, les truffes grillées à l’huile… et en Italie les anguilles élevées dans des étangs. Les légumes, encore peu répandus à l’époque en France, font l’objet d’une attention particulière de nos voyageurs : raves et navets, choux cabus mis à saler pour l’hiver (135) en Allemagne et en Italie, artichauds, fèves, pois qu’on mange crus à la mi-mars à Rome. Quant aux fruits, le secrétaire note : « pour le goùt de M. de Montaigne, nous y trouvâmes force oranges, citrons et olives » et l’auteur des Essais, écrit plus loin : « Je soupais d’une salade de citrons sucrée sans boire.Il trouve les vins très souvent détestables (sauf celui de Trebbiano, « assez mûr cependant peu délicat »). Il apprécie les assiettes en étain, les serviettes individuelles et les nappes changées assez souvent et note en Suisse, que les cuillères sont individuelles et que les couteaux des messieurs servent pour le service des viandes, alors qu’en Italie apparaît la fourchette. On sent surtout le grand intérêt qu’il prend à la conversation des étrangers et donc à la variabilité des coutumes et à une forme de tolérance. Il dit regretter de devoir rentrer. Mais, à son retour, il apprend qu’il est élu maire de Bordeaux. Ses fonctions sont troublées par des entreprises de la Ligue et une épidémie de peste qui survient juste avant la fin de son second mandat. Il prépare une nouvelle édition des Essais, grossie d’un troisième livre en 1588 et de nombreuses additions. Il y travaille jusqu’à sa mort en 1592. En 1595, paraîtra l’édition posthume de Melle de Gournay, d’après ses dernières corrections.