Avec l’hiver, qui ne vient pas du latin hiems mais de l’adjectif hibernum, employé seul à partir de l’expression tempus hibernum, ce sont les intempéries qui s’installent, le froid et ses manifestations : la neige, le gel, la glace.
L’adjectif « froid » a pour origine le latin frigidus mais il s’est substantivé pour désigner le temps froid. « Froideur » ne se dit plus qu’au sens figuré alors que « froidure » était utilisé au Moyen Age, comme en témoignent ces vers de Charles d’Orléans : « Le temps a laissé son manteau/ De vent, de froidure et de pluie ». Ce mot a pris des sens figurés (p. ex. « couleurs froides, pierre froide ») et se dit de l’absence de manifestations extérieures de sentiments (« homme froid », « sang froid »). Il entre dans des expressions imagées (p. ex. « froid de loup, de chien, de gueux… » et a pour intensif « glacial » qui s’emploie aussi bien au sens propre qu’au sens figuré : « nuit glaciale, attitude glaciale ».
Cet adjectif est dérivé de « glace » qui vient de glacia, réfection de glacies, modification habituelle dans les mots féminins en –es (comme facies qui a donné facia : « face »). Mais la racine latine a donné directement le deuxième élément de « verglas », qui désigne d’abord une glace lisse comme du verre. C’est d’un emploi figuré de « glace » que le mot a pris le sens, au XVIIe siècle, de « miroir ». Il se disait aussi des plaques de verre bien polies qui étaient utilisées pour les carrosses et, par la suite, s’est employé pour des préparations qui, en pâtisserie, évoquent la glace par la température (crème glacée) ou l’aspect (sucre glace).
Mais au sens propre comme au sens figuré, la glace s’accompagne souvent de neige : si l’on parle des « œufs à la neige », pour en rester aux plaisirs du palais et des yeux, on ne peut oublier de mentionner le mot « neige » lorsqu’on parle du froid. C’est du latin populaire nivicare, remplacé par ninguere, que vient « neiger ». Le nom de la « neige » a pour étymon l’accusatif nivem, du latin classique nix, qui a donné en ancien français noif. Au XIVe siècle, ce mot a été éliminé par « neige », créé sur le radical français de « neiger ». Mais le dérivé « nivôse », qui a désigné pendant la période révolutionnaire le quatrième mois du calendrier (fin décembre-fin janvier), a été calqué sur le radical latin. Ce mot a été utilisé dans des expressions qui ont connu une extension de sens (« aller à la neige ») ou une spécialisation (« neige carbonique ») ou un emploi figuré dans le vocabulaire culinaire (« monter des blancs en neige ») ou encore dans la langue argotique pour désigner la drogue. Quelques expressions à valeur plus spirituelle comme « blanc comme neige » (innocent) associent la couleur à la neige. D’origine germanique, « blanc », qui signifie d’abord « brillant », sens survivant dans l’expression « armes blanches », a remplacé le mot latin albus qui ne subsiste plus que dans quelques substantifs (« aube du prêtre, aube du jour » ou encore « aubépine »). Mais on dit aussi « bleuir de froid » (de « bleu » blao), notamment pour les doigts qui deviennent « gourds » (gurdus : « lourdaud, grossier »), mot qui a pris en gallo-roman le sens de « engourdi par le froid ».
Mais pas de neige sans gel, gelée, givre et frimas. Si ces deux mots viennent du latin gelu et gelare, le mot « givre », d’abord « joivre » au XVe s. est d’origine inconnue. Le mot « frimas », dérivé du francique *hrim, a été curieusement remplacé par le mot « givre » à partir du XVIIIe siècle. Il est resté dans le français littéraire au pluriel pour désigner les rigueurs de l’hiver. Mais le mot, par son dérivé « frimaire », a connu un regain d’usage, en 1793, grâce à Fabre d’Eglantine qui en a fait le troisième mois du calendrier républicain (fin novembre-fin décembre).
Ces mots qui désignent des perturbations atmosphériques donnent lieu comme par mimétisme à des particularités syntaxiques : ce sont des verbes impersonnels (« il neige, il gèle ») dont l’action ne nous paraît pas comporter de sujet. Le français s’est même créé des locutions avec un verbe passe-partout : « il fait », suivi d’un adjectif ou d’un nom : « il fait froid, il fait un temps glacial… ». Ces particularités affectent aussi les vents, la répartition de l’humidité et les températures plus clémentes. Mais c’est une autre histoire pour des temps meilleurs et plus printaniers.
(F. A.-D.)