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Les étrennes et les cadeaux


Cadeaux

En langue classique, c’est le mot don (latin donum) le plus employé. Mais il a, depuis, souffert d’une véritable désaffection dans la langue courante qu’on peut attribuer à son absence d’ampleur phonétique ou à son homonymie avec d’autres mots (« dont, donc »). Il subsiste toutefois dans la langue religieuse (p. ex. « les dons du ciel ») ou dans le vocabulaire psychologique (p. ex. « avoir des dons pour la musique »). Si le mot offrande s’est cantonné au vocabulaire religieux, le nom présent a été utilisé également au XVIIe siècle : il est tiré de l’expression « mettre au présent », c’est à dire « présenter ce que l’on offre », d’où simplement « offrir, donner ». De « mettre en présent », on a dégagé le nom « présent » qui, dès le Moyen âge, a été un concurrent sérieux de « don ». Mais « présent » a été concurrencé lui-même par étrennes et cadeau.

Étrennes vient de Strenae, dérivé de Strenua, déesse de la force. En souvenir de l’offrande de bonne augure qui avait été faite à Tatius, roi des Sabins le 1er janvier (quelques branches coupées dans un bois consacré à Strenua), l’usage s’établit de se faire à la même époque des présents qui prirent le nom de strenae d’où on a tiré « étrennes ». Mais ce mot, très utilisé au XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe siècle, a reculé devant le mot cadeau qui, par son sens large, désigne aussi bien les cadeaux du Père Noël, dont la légende s’est répandue très vite depuis la dernière guerre, que les présents de nouvel an ou même ceux qui sont donnés au cours même de l’année.

Ce mot cadeau a connu, jusqu’au XVIIIe siècle, des orientations sémantiques très diverses avant de prendre sa signification actuelle. Il a été emprunté au provençal au sens de lettres capitales. En calligraphie, « cadeaux » désignait donc les fioritures qui ornaient les lettres. Cette idée de supplément, de luxe, d’ornementation est sans doute à l’origine du nouveau sens qui apparaît au XVIIe siècle, très présent dans plusieurs comédies de Molière : « partie de plaisir offerte à des dames avec repas somptueux et accompagnée de musique ». Le sens moderne n’est présent qu’au XVIIIe siècle : de « fête offerte à une dame », on passe à celui de « bijoux, livres, jouets pour enfants », donc au sens actuel de présent. Ce mot a donc connu une destinée étrange puisque, tout d’abord réservé à l’écriture, il s’est émancipé de ce champ technique étroit pour gagner le terrain hasardeux des plaisirs galants et enfin s’émanciper dans les larges territoires de la langue commune pour désigner, hors du temps étroit de la fin de l’année ou début de l’année nouvelle, tout type de présent dans la vie de tous les jours.

(F. A.-D.)


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