Très tôt rebelle et en rupture avec son milieu, le jeune homme connut des expériences multiples. Rompant avec sa famille et sans avoir terminé ses études, il exerça divers métiers et « petits » boulots. Malgré l’opposition de ses parents, il se maria en 1934 avec une jeune femme, Odette Danigo, dont il eut un fils, Jacques. De cette période de dix années, on sait peu de choses : ce fut une époque de bohème laborieuse où le jeune homme vécut d’expédients en écrivant beaucoup : des poèmes et des romans qui ne furent jamais publiés. En 1942, il fut arrêté alors qu’il tentait de passer la ligne de démarcation et enfermé à Fresnes ; il rejoignit la Résistance.
En 1945, il épousa en deuxièmes noces Jacqueline Dussolier dont il eut quatre enfants et s’inséra professionnellement en créant une entreprise de ferraille. Mais il ne renonça pas à la littérature et tint la rubrique littéraire du journal L’Information : il interviewa Aragon, Paul Fort, Paul Claudel et Paul Valéry. Il fonda une revue de poésie La Coquille. En 1947, il obtint le Prix Apollinaire pour un recueil « Jour » et acheva la rédaction d’un roman autobiographique Vipère au poing que les éditions Grasset publièrent en 1948. Le roman rata de peu le prix Goncourt mais fut un grand succès ; la presse se partagea entre lecteurs enthousiastes ou horrifiés qu’on puisse s’attaquer ainsi à sa propre mère.
De cette date, Hervé Bazin – pseudonyme imposé par Grasset – se consacra entièrement à la littérature. Il continua à être journaliste tout en donnant presque chaque année un roman : La Tête contre les murs (1949) qui s’inspirait de son expérience d’une hospitalisation en hôpital psychiatrique, La Mort du petit cheval (1950), une suite de Vipère au poing, Lève-toi et marche (1952), L’Huile sur le feu (1954), Qui j’ose aimer (1956), Au nom du fils (1957). En octobre 1958, il fut élu membre de l’Académie Goncourt : il délaissa le roman pour se consacrer à ses activités de critique littéraire tout en donnant un recueil de nouvelles Chapeau bas (1963) et un essai consacré à la réforme de l’orthographe Plumons l’oiseau (1966). Il revint au roman avec Le Matrimoine (1967), chronique des mœurs de province qui se passait à Angers. Ce fut également l’année de son divorce et de son troisième mariage avec Monique Serre-Gray, qui lui donna un enfant. Il publia un roman, inspiré par un fait divers Les Bienheureux de la Désolation (1970), une fable sur la civilisation. La même année vit l’adaptation télévisée, avec Alice Sapritch dans le rôle de la mère, de Vipère au poing. En 1972, Le Cri de la chouette acheva la trilogie des Rezeau.
En 1973 Hervé Bazin fut élu président de l’Académie Goncourt, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort. Ses activités littéraires ne freinèrent pas sa production de romans : Madame Ex (1975), histoire d’un mauvais divorce pour faute, Un Feu dévore un autre feu (1976), histoire d’amour romanesque sur fond de soulèvement insurrectionnel en Amérique du Sud, L’Église verte (1981), une réflexion sur la nature et la civilisation. Le Démon de minuit (1988) en marge de son quatrième mariage avec Odile L’Hermitte qui lui donna un fils. Il publia encore deux romans : L’École des Pères (1991), deuxième volet du cycle angevin des Bretaudeau, commencé avec le Matrimoine et Le Neuvième Jour (1994), une fable scientifique. Hervé Bazin mourut le 17 février 1996 à Angers.
Hervé Bazin a été un des auteurs les plus lus de la deuxième moitié du XXe siècle. Son premier grand succès, Vipère au poing, n’a cessé d’être réédité mais ne doit pas masquer l’importance de l’œuvre d’un romancier qui – dans la continuité de Balzac et des grands réalistes du XIXe siècle – a été un grand romancier de mœurs, sensible aux mutations de son temps dont ses romans se font les herméneutes*. Sa modernité tient à son attention à la vie quotidienne, aux problèmes de la famille ; il a également renouvelé la veine autobiographique et intimiste dont se nourrit le roman français.
Auteur angevin – attaché à la province, à l’instar de Mauriac – Hervé Bazin n’est en rien un écrivain régionaliste, il a pratiqué une ouverture tous azimuts, acceptant « pour ses lecteurs de l’Est » le prix Lénine et soutenant de sa plume les combats pacifistes et antinucléaires.
Héritier des Goncourt, il a été un animateur de la vie littéraire du dernier quart du siècle, sachant impulser à l’académie, dont il a fait partie et qu’il a présidée, les changements nécessaires pour rester à l’écoute de la vie littéraire et culturelle française et européenne.
* L’herméneutique (du grec hermeneutikè, art d’interpréter, et du nom du dieu grec Hermès, messager des dieux et interprète de leurs ordres), est la théorie de la lecture, de l’explication et de l’interprétation des textes. lsqjkdffkmqsfjqm jklmjqsfdm |